Interview de Caroline RUTH : illustratrice, le 12-10-2017, Saint-Michel, Paris
– Décris-moi ton parcours initial ?
Je suis issue d’une formation universitaire en Arts Plastiques que j’ai suivie à la faculté de Strasbourg et Paris I.
Quand j’ai commencé ce cursus, je souhaitais accéder au métier de professeur d’Arts Plastiques. Quand je suis arrivée à Paris en 2001, j’ai travaillé quasiment 1 an au sein des archives privées du Musée Picasso, ce qui m’a donné envie de m’orienter vers le milieu culturel et muséal. J’ai totalement oublié l’idée d’être professeur et j’ai suivi un double cursus Arts Plastiques et Histoire de l’Art à la Sorbonne. Je pense que je suis capable de transmettre des choses, mais tenir une classe avec des enfants ou adolescents qui ne s’intéressent pas à la matière, c’est autre chose !
Donc, l’option Musée et Culture me convenait bien. A cette époque, je n’en suis pas encore à l’illustration. J’y suis venue au fur et à mesure en travaillant d’abord de mon côté, chez moi. C’était du dessin et de la peinture de loisir sans réflexion particulière.
– Comment en es-tu venue à l’illustration ? Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir percer un peu plus dans ce domaine ?
Le besoin de me remettre sérieusement au dessin a toujours été présent, même si pendant quelques années j’ai mis cette activité un peu de côté. Pendant ma vie de libraire, j’ai eu la chance de faire de belles rencontres. Dont une en 2009, un petit éditeur « Forest Edition », qui a décidé de me confier la création des illustrations d’un livre sur les animaux en voix de disparition. J’ai produit une centaine d’illustrations pour ce projet qui n’a hélas pas abouti par manque de financement ; la vie en a décidé autrement et l’éditeur s’en est allé.
Outre le fait que le dessin est une passion, l’illustration a été une thérapie pour moi dans une période où je me sentais un peu perdue. Je dessinais tous les weekends. C’était une forme de méditation, de retour au calme. Je me concentrais sur mes illustrations et j’expérimentais. Puis j’ai été portée par mes amis qui m’ont poussé à montrer ce que je fais en créant mon Blog CaroLigne en 2014.
Il y a trois ans, j’ai demandé conseil à une illustratrice : Caroline DESNOETTES (illustratrice de livres jeunesse), de manière à avoir un point de vue objectif et professionnel. Elle m’a poussé à revenir à des matériaux plus nobles, notamment à l’aquarelle, au beau papier….
Après cette coupure de quelques années et ce projet d’illustration de livre non abouti, j’ai évolué. J’ai mûri. Mon travail s’est affirmé. La ligne est devenue plus nette.
Dès qu’une image me plaît, je m’attèle à la tâche et j’y prends beaucoup de plaisir. Il faut que ce soit esthétique. La part du vide est importante chez moi. Dans chacune de mes illustrations, il y a une place pour le vide.
Un jour la maîtresse de mon fils de 7 ans, lui a fait remarqué que son dessin n’était pas fini. Il fallait qu’il remplisse la page ! J’essaie de lui apprendre qu’un espace vide est parfois nécessaire à la respiration du sujet/modèle/objet et peut rendre un peu plus vivant ce qui est dessiné !
Mon activité a vraiment démarré à partir d’un triple portrait à l’huile que l’on m’a commandé et que j’ai vendu 210 euros. Cette somme a constitué mon fond pour développer ma petite production et créer ma boutique en ligne ByCaroLigne.
– Qu’est-ce qui selon toi qualifie ton travail ?
Ce qui ressort le plus de mon travail : à la fois le blanc et l’espace – la place du vide est importante -, le côté cabinet de curiosité par la diversité des sujets et l’accumulation ; des gribouillages accumulés, mais organisés. J’aime bien dessiner des squelettes, observer la nature, peindre des portraits, dessiner des objets vintage…. Mes endroits préférés sont le Muséum d’histoire naturel de Paris avec son plancher qui craque et la Maison Deyrolle, rue du Bac.
Pour moi, l’étude du squelette est importante car elle permet de dessiner un animal de manière plus réaliste, notamment pour placer correctement son œil, la mâchoire, la peau… J’ai besoin de connaître l’intérieur pour donner plus de corps et de vie aux animaux que je dessine.
J’aime réaliser des compositions qui respirent avec des lignes épurées et soignées.
– Quels sont tes thèmes privilégiés ?
La nature sous toutes ses formes (faune et flore), l’art, l’esprit cabinet de curiosité, les collections du Muséum, les objets vintage et rétro que l’on trouve dans les brocantes. J’aime aussi les objets anciens en porcelaine (assiettes, bols et tasses, cafetières…)
– Quel est le périmètre de ton activité artistique ?
Principalement l’illustration sur papier.
Mais je suis aussi une touche à tout, j’expérimente. Par exemple, je me suis mise à la broderie cette année. J’ai voulu transposer quelques-unes de mes illustrations en broderie pour leur donner vie sur un autre support. J’ai également testé les empreintes de bois à l’encre de Chine sur papier. Un jour je m’en servirai peut-être. Je suis tentée par la linogravure.
– Quels sont les matériaux que tu utilises ?
J’utilise beaucoup le papier car je suis très attachée à ce matériau sûrement du fait de mon parcours professionnel. J’ai été libraire pendant 7 ans et je travaille actuellement dans un milieu éditorial (papeterie et carterie). J’accumule beaucoup de carnets et de papier à la maison. Il y a tellement de matières et de teintes différentes dans le papier. C’est doux, granuleux, propre, feutré, épais, flexible… Ça me séduit !
– Quels sont les médiums que tu utilises ?
Je travaille essentiellement à l’aquarelle et à l’encre de Chine.
Mais je projette de travailler un peu plus avec de l’acrylique, car l’aquarelle est un peu légère et ne convient pas à tout type de support. J’ai besoin de donner plus de matière pour donner plus de force à mes illustrations. J’aurai alors plus de facilité pour les adapter à de nouveaux supports, tels que les Tote bags par exemple.
Mon dernier projet a été réalisé avec de l’acrylique : les feuillages. D’autres projets avec ce médium vont suivre. J’ai déjà utilisé le pastel, mais je suis moins séduite. J’aime le travail soigné, très propre. Certains artistes aiment travailler la couleur et les matières avec les doigts. Ce n’est pas mon cas. On m’a d’ailleurs fait remarqué ce côté soigné et organisé pendant mes moments créatifs. Chaque chose à sa place.
J’aime travailler au crayon et au pinceau, en soignant la touche et la finition, en respectant les blancs. Mon travail est, je pense, de plus en plus graphique et soigné probablement du fait de ma profession dans un milieu éditorial et marketing.
– Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Tout ce que je vois m’inspire !
Mes sources font échos aux thèmes qui m’intéressent. Je puise l’inspiration en observant l’art, la nature et les animaux lors de promenades en famille, en allant visiter les musées et les cabinets de curiosité ou lors de mes voyages. Je produis et j’accumule des carnets thématiques. Mes yeux capturent tout, la lumière, les vides et les pleins, la couleurs, les formes, le flou, les reflets…. J’accumule tout dans ma tête et en images ; je prends beaucoup de photos. Je fais ce qui me plaît !
– Quels sont tes sujets de représentation favoris ?
Les insectes et animaux à poils, les plantes, la décoration, la vaisselle ancienne et épurée.
La décoration scandinave m’intéresse tout particulièrement, notamment les objets en bois et l’esprit Hygge, très tendance actuellement. J’aime ce côté cocon épuré, chic, soigné, confortable.
Je vais de plus en plus vers la simplicité, car je mettais beaucoup trop de temps à faire des peintures.
Plus je passais du temps, moins j’étais satisfaite. Donc je me suis obligée à me libérer et à être moins pointilleuse. C’est à ce moment là que je me suis obligée à faire des croquis minutes (pas plus de 3 minutes), de manière à simplifier mon travail. J’ai réalisé les croquis au stylo bille, sur les pages d’un livre que je ne souhaitais pas conserver.
Ces croquis sur un fond de texte ou tout autre type de fond pourraient faire l’objet de futurs projets. Ça me servira peut-être un jour !
Je suis une accumulatrice. Je suis capable de noter des idées et de faire émerger un projet plusieurs années après, lorsque l’idée aura mûri suffisamment.
– Quel est ton processus de création ?
Je reproduis ce que je vois. Généralement, je pars d’un croquis. J’accumule mes dessins et je les conserve dans un carnet de poche ou sur un bloc à dessin. Je réalise énormément de clichés photographiques.
Les compositions germent dans ma tête lorsque je tombe sur un vieux dessin, un carnet de croquis, une photo. Les associations se font naturellement. Pour les fonds, il peut y avoir une matière qui me plaît et je la prends en photo. Ça peut être du papier matiéré, du calque, du papier à grains, de la tapisserie, un mur….
Prenons l’exemple de la mini carte cadeau que l’on peut glisser dans un cadeau.
Dans cette illustration, il y a trois éléments distincts :
1) un dessin : mon portrait petite, avec un trait léger ;
2) un autre dessin fait séparément : le papillon bleu réalisé à l’aquarelle. Il s’agit d’un petit azuré capturé à mains nues avec mon fils, puis photographié.. nous chassons les papillons avec douceur pour les observer ;
3) une photographie de pétales de pivoine sur fond de papier calque que j’ai prise avant de les jeter à la poubelle. Une manière de conserver cette beauté légère.
4) J’ai retravaillé chaque élément sur Photoshop en détourant et en retouchant la lumière, puis je les ai assemblés sur Indesign.
– Quels sont les supports et matériaux utilisés ?
Le support utilisé est essentiellement du papier.
Les matériaux utilisés sont principalement : du crayon, de l’encre, de l’aquarelle, la peinture à l’huile et plus récemment de l’acrylique et la broderie.
La première broderie : le squelette de kiwi, d’après dessin d’un squelette du Muséum. Mes carnets de poche sont entièrement fait main. Je fais la découpe du bloc intérieur, de la couverture, j’assemble et je réalise la reliure au fil de coton.
– Quelles sont les figures qui sont représentées dans tes illustrations ?
- La nature : le végétal, notamment les fleurs fanées (muguet, narcisses), les pétales.
- Les animaux : le panda, le papillon, la libellule.
- Le cabinet de curiosité : les squelettes, les coquillages, les papillons.
- Les objets : l’appareil photo, le tourne-disque, les bols et les tasses, cafetière napolitaine.
– Quand as-tu ouvert ton blog et ta boutique en ligne sur Etsy ?
J’ai ouvert mon blog début 2014. Je diffuse les projets personnels via mon blog. J’y met aussi mes photos de voyage, de visites de musées qui font généralement l’objet d’une suite de croquis.
J’ai ouvert la boutique en ligne ByCaroLigne, sur Etsy en septembre 2016. J’y diffuse uniquement les créations que je souhaite commercialiser.
– Quels sont les articles que tu vends sur ta boutique en ligne ?
Les types d’objets réalisés et vendus sur la boutique sont des illustrations imprimées sous la forme d’affiches en format A4, des magnets, badges, carnets et quelques pendentifs – j’ai réalisé quelques pendentifs suite à la demande de certaines « admiratrices », mais comme je suis moins sensible à cet objet, je ne poursuivrai probablement pas cette production -, des tatouages éphémères, produit que je cherche actuellement à améliorer avec un nouveau fabricant.
– Quelles sont les demandes faites sur la boutique en ligne ?
Je réponds volontiers aux demandes qui me sont faites, dans la mesure du réalisable. C’était le cas pour le pendentif.
Je vois l’engouement pour l’illustration du « Panda au papillon ». Il se pourrait qu’au vu de la demande, je reproduise le panda sur les carnets ou sur d’autres objets.
La demande la plus importante reste le « mug panda », mais le coût de fabrication est trop onéreux en l’état actuel de mon budget ; je décline plutôt mes illustrations sur textile, notamment sur le Tote bag. Ce projet est plus envisageable et devrait séduire.
– Quel sont le(s) public(s) cible(s) et le(s) marché(s) visés ?
Mon public est essentiellement féminin. J’ai le sentiment que la tranche d’âge s’étend entre 17 et 50 ans.
Si on cumule les ventes sur ByCaroLigne (sur Etsy) et les ventes directes, les ventes se réalisent essentiellement en France.
Mais il est vrai que la boutique Etsy permet de cibler un public plus large, notamment aux États-Unis, à Londres, en Allemagne.
– Quel(s) est/sont l’/les article(s) qui se vend(ent) le mieux ?
Le « Panda au papillon » est l’illustration qui est la plus appréciée. Mais l’objet le plus vendu en ligne a été le badge Pina Baush, grâce a une bonne publicité autour de ce produit. Pour la vente en direct : le badge panda, le badge Clic-clic-clic et les carnets.
– Quels ont été les retours de tes clients ?
La demande du mug est très forte, mais je ne suis pas forcément pour. Je ne suis pas sûre d’aimer l’objet.
On apprécie la fabrication artisanale de mes carnets. On aimerait que je propose plus de produits, mais pour ce faire, il faut que je puisse le vendre un peu plus pour augmenter mon budget de production. Aujourd’hui, j’ai déjà la satisfaction de rembourser mes frais de fabrication et mes frais de matériel.
– As-tu déjà participé à un salon/événement ? A quels types d’événements aimerais-tu participer ?
Pourquoi ne pas participer à un petit salon. Mais cela nécessite de produire en plus grande quantité et d’y consacrer encore plus de temps. L’idéal serait peut-être plutôt d’exposer dans un café, sous la forme d’une expo-vente, pourquoi pas en association avec d’autres artistes.
Je ne suis pas fermée. Pour le moment, tout est question de temps et de budget. J’avance Step By Step.
– A terme, quels sont tes objectifs ?
J’aimerais augmenter mes ventes sur Etsy. Mais il faudrait pouvoir consacrer plus de temps à ma créativité et à la promotion des mes articles.
Mon rêve serait d’avoir un endroit dédié, un atelier de création où je puisse entreprendre librement mon travail, avec une belle lumière !
– Quels seraient tes prochains sujets d’illustration ?
Cette année, j’ai fait un voyage à Naples. J’ai réalisé un carnet d’illustrations. J’aimerais bien partir sur ces croquis. Je ne sais pas encore sur quoi cela aboutira. J’ai travaillé sur l’ambiance, les couleurs, l’architecture. A venir donc très certainement, des illustrations à partir des croquis de bols et de tasses en porcelaine. On verra !
– Quels seraient tes futurs projets ?
L’un des mes amis, dit Marwal, photographe de métier et écrivain sur son temps libre, m’a demandé d’illustrer une série de textes. C’est assez introspectif et personnel. J’aime beaucoup son univers qui m’oblige à sortir de mon cadre, de ma zone de confort créative ! Ça bouscule mes habitudes. Les illustrations sont le reflet de mon ressenti après lecture de ses textes. Elles ont été réalisées avec des techniques mixtes. J’espère qu’il y aura d’autres collaborations avec Marwal.
Une amie m’a récemment parlé d’un éventuel projet d’illustrations d’un livre sur le Taï-chi. Pourquoi pas ! Un nouveau défi pour CaroLigne !
En projet actuellement : les Tote bags. Je suis en train de choisir mon fabriquant, et de maquetter les illustrations au format du sac. J’espère pouvoir en proposer à la vente d’ici 1 mois.
Pour plus d’informations sur cette illustratrice, jetez un œil sur ses sites & réseaux sociaux !!
- Boutique ByCaroLigne : https://www.etsy.com/shop/
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